katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

mercredi, juin 25, 2008

Un chat qui grogne, un shah borgne ou une charogne?!?

Une petite chape de gris, dans la matinée, m’avait donné la possibilité, en dépit de l’estivale chaleur enfin disposée à nous assommer, de rattraper le retard qui était le mien dans mon courrier électronique. Puis, peu avant midi, le soleil tapant à nouveau avec conviction sur nos crânes creux, je décidais d’aller trottiner dans cette vallée du Gottéron que je suis bientôt en (dé)mesure de parcourir les yeux fermés.

Après une entame hésitante, je craignais d’être victime d’un début de tendinite, je me suis vite rendu compte que j’étais en fait dans une forme étincelante, un de ces jours où les foulées se déploient allégrement, aisance semblant narguer les marcheurs laborieux dont je tente d’éviter les langues qui jouent aux escargots.

Cette petite course me permettait d’évacuer les relents d’une discussion brumeuse, le soir précédent, un échange où convictions rimaient à mon goût bien trop avec évictions et élections ; ou quand ce Dieu si improbable trouble encore davantage les contours d’un monde pourtant déjà bien flou.

Comme un clin d’œil, en fin de parcours, je croisais, ruisselant et tout juste vêtu d’un short, une vingtaine de bonnes sœurs mangeant à l’ombre d’arbres majestueux ; ayant en tête un éditorial teinté de voile islamique paru la semaine dernière, j’ai ri de me deviner (at)tentateur.

Un peu plus tôt, c’est à mon pote Petchal que j’avais pensé lorsqu’un lièvre s’était mis à détaller devant moi, effrayé par un de mes pieds qui avait manqué de peu lui ôter ses oreilles. Il ne lui a fallu que quelques secondes pour m’indiquer combien mon impression de vitesse et de légèreté était relative.

A la sortie de Bourguillon, un sourire charmant, venu s’ajouter aux splendeurs dégustées tout au long de mon parcours, me remémorait cet « Hymne à la beauté » appris par cœur avant mes quinze ans, pendant une de ces soirées passées à maudire mes rondeurs d'époque ; mais c’est sur une tout autre note baudelairienne que s’est achevée mon escapade, puisque juste avant de traverser un des deux ponts qui me ramenaient en ville, j’évitais de justesse le cadavre d’un renard.

Je rentrais avec la conviction, encore plus fermement attachée à mon regard, qu’un petit jardinier des mots qui se respecte bêche ces carreaux de blanc en marchant sur un minuscule fil d’eau tendu entre les morts et les vivants.

Libellés :

mercredi, juin 18, 2008

L'impossible défi

Antonio Lobo Antunes dit que ce n’est pas l’intrigue qui lui importe, ce qu’il aimerait, ce n’est pas qu’on lise ses livres, mais qu’on les vive.

« Les émotions viennent avant les mots et, mon but, c’est de traduire ces émotions, de faire en sorte que les mots « signifient » ces émotions. Voilà l’impossible défi, mais je crois qu’il faut essayer de le relever. »

J’ai reçu, samedi, un magnifique message de ma grande sœur qui séjourne dans un petit village allemand. Elle me décrit ses journées, m’y écrit combien elle se sent bien, envies et regards neufs, disponible pour toutes les curiosités qui se présentent.

Elle a pris un livre (« En nous la vie des morts » de Laurette Nobécourt) que je lui avais conseillé, qu’elle avait déjà lu et apprécié mais qu’elle voulait relire. Elle m’en a extrait cette phrase d’Heidegger qu’un des personnages cite :


« L’habitude nous déshabitue de l’essentiel »
.

J’aime bien recevoir des messages qui palpitent, des paragraphes qui dessinent la carte des vibrations intérieures de celui ou celle qui vous les envoie.

Oui, mille fois oui, voilà à peu près tout ce que j’étais en mesure de lui répondre, tellement je suis d’accord avec cela, tellement je n’ai de cesse de l’encourager, elle et tout le monde, a foncé beaucoup plus tête baissée et cœur au vent, plutôt que de s’enfermer dans une équation que l’imprévu prendra un malin plaisir de résoudre à notre place, ravivant nos regrets.

La fraîcheur de son message me caressait le sourire lorsque Nietsche est venu me susurrer ceci :

« Même le plus courageux d’entre nous a rarement le courage d’assumer tout ce qu’il sait… »

dimanche, juin 15, 2008

Diegolito

Il n’y a presque rien à sauver du désastre qu’est « Maradona by Kusturica », mais je dois bien avouer que les dernières minutes me trottent dans la tête depuis que je suis allé le voir. Elles n’avaient pas atténué ma déception, au contraire, parce qu’elles confirmaient qu’il y avait moyen de faire autre chose, de moins grand-guignolesque.

On y voit Maradona sortir de l’entrepôt où il a accordé un entretien au cinéaste, s’y livrant comme rarement, parlant avec beaucoup d’émotion de ses problèmes de drogue, de la culpabilité qu’il gardera en lui toute sa vie, notamment parce que sa dépendance lui a fait passer en bonne partie à côté de ses filles. A la fin de la discussion, il dit à Kusturica que tout le monde a parlé de ses frasques, du footballeur qu’il avait été malgré tout cela, mais que peu de monde se demande le joueur qu’il aurait pu être sans cela.

Plus fort, encore beaucoup plus fort, aussi impensable que cela puisse sembler tant il était déjà plusieurs classes au-dessus de tout le monde, ne serait-ce que par l’évidence dans le génie qui accompagnait tous ses gestes. Cette terrible certitude est aussi avec lui, en permanence.

Ayant terminé de se raconter, il sort donc de l’entrepôt, avec de grosses lunettes de soleil. De l’autre côté de la route se tient Manu Chao, il chante, sa guitare donne le rythme. Les paroles : « Si j’étais Maradona, je vivrais comme lui ».

L’immense Diego, le nabot magnifique, s’avance, les mains dans les poches, bouge un peu sur le rythme. Il sourit.

Derrière les verres sombres, on devine la quantité d'étoiles qui passent, on imagine les nuages aussi, beaucoup de nuages.

Puis on voit le visage qui change, on assiste à la superposition du personnage de la chanson avec le "vrai", qui est là, qui sait ce que cela signifie: être Maradona.

Alors le noir ne suffit pas à masquer les larmes.

Je pense souvent à ce passage, ainsi qu’à quelques autres, à chaque fois que je passe devant une des innombrables affiches démesurées sur lesquelles trônent des footballeurs, j’y pense lorsque j’entends des gens me parler de Federer comme s’il faisait partie des éléments les plus indispensables de leur quotidien, j’y pense lorsque je me dis combien il est terrifiant de devoir jouer le rôle que tout le monde vous assigne.

La vie de ce lutin malicieux est un condensé, un précipité, de tout ce que le culte de l’image trimballe avec lui de pestilentiels.

Dans des minutes d’archives qui émergent de ce gâchis, on voit Mardona, tout juste adolescent, dire qu’il va être le meilleur joueur de la planète et ramener la Coupe du Monde à l’Argentine ; il le savait, on le sent dans ses yeux, ce n’était pas qu’un rêve, ou bien si, justement, ce n’était qu’un rêve, mais accompagné de cette évidence dans le génie.

Il ne pensait pas à l’argent, ni à la drogue. Il n’y avait que le jeu. Le jour, la nuit, peu importait, il devait taper dans le ballon.

Tant qu’il a été le seul à croire en ses rêves fous, il avançait, mieux, il volait.

Deux têtes de moins que tout le monde, peu importait, il avait des yeux derrière la tête, des ailes sur ses chaussures et une confiance absolue en lui.

Puis, et puis.

Et puis merde, c'est tout.

Libellés :

jeudi, juin 12, 2008

Le lac, plus beau des conteurs

Je regarde la photo de l’arbre, je souris, secoue légèrement la tête.

Il se trouve à Vevey, tout près de la place du marché, juste à côté de cette étrange bâtisse où doivent s’agiter de nombreux fantômes la nuit venue.

Il a l’air, lorsque son costume de feuilles l’a quitté, complètement calciné ; fascinante brûlure de nudité.

Plein d’images étonnantes et détonantes sont attachées à cette ville dans mes souvenirs brumeux.

Je regarde la photo de l’arbre, je souris, secoue légèrement la tête.

Elle est « de travers », la photo. Comme presque tout ce que je colle partout, comme presque tout ce que je fais, en somme.

Comme ma tête, comme mon écriture.

Comme mon sourire.

On ne sait jamais comment le considérer, moqueur ? scrutateur ? approbateur ?

Je regarde la photo de l’arbre, je souris, secoue légèrement la tête.

Cet arbre, à mes yeux, représente aussi, surtout, le lac, un endroit où il est possible de l’amadouer.

Dans cette envie d’ailleurs qui me martèle les tempes, il y a aussi cela, la joie anticipée des retrouvailles avec le lac.

Je viendrai me poser près de lui, je sais déjà que c’est lui qui me racontera le mieux ce qui se sera passé pendant mon absence.

mardi, juin 10, 2008

Un arbre...



"Un arbre a besoin de deux choses : de substance sous terre et de beauté extérieure. Ce sont des créatures concrètes mais poussées par une force d'élégance. La beauté qui leur est nécessaire c'est du vent, de la lumière, des grillons, des fourmis et une visée d'étoiles vers lesquelles pointer la formule des branches.[...]
Un arbre est une alliance entre le proche et le lointain parfait."


Erri De Luca, Trois chevaux

Libellés :

vendredi, juin 06, 2008

La faim du spectacle, ou le spectacle de la fin, ou, peut-être, l'afin des haricots

Une fin de semaine palpitante s’annonce avec, à choix, ou plutôt en alternance, parce qu’il convient de ne pas rater une miette des spectacles qui s’offrent à nous : les derniers actes entre les héros de Rolland-Garros et le début des festivités footballistiques, vous savez, cet événement sportif qui est tellement présent partout (télé, radio, murs, magasins, journaux, …) que même ceux qui ne savent pas ce qu’est un corner ont l’impression qu’un grand moment de leur vie va se jouer.

A mon sens, il ne s’agit même plus de mascarade, mais je n’ai encore pas trouvé le terme qui pourrait rendre compte de cette ridicule lobotomisation ; vous serez les premiers au courant, je vous le promets.

A Rome, dans une ville qui frétille aussi en espérant que son équipe va se sortir du groupe de la mort, s’est tenu le Sommet de l’alimentation. Je mets une majuscule pour la forme, mais peut-être serait-il plus porteur de la faire manger, cette majuscule, avec les cravates et les poignées de mains des grands messieurs qui ont discuté de la misère entre gens bien élevés et bien trop nourris.

Résultat : rien, ou presque. Une seule promesse de cons, euh pardon, de don, elle vient de l’axe du mal, ou presque, la Banque islamique pour le développement. Allez expliquer aux pays du Sud que les barbus sont les grands méchants, après cela.

Je veux en venir où avec mes cyniques lamentations ? A rien, ou presque, je voulais juste vous dire de ne pas trop manger de Chips en regardant les matchs, pas que vous dépassiez le quota que nous accordons chaque mois à la nourriture : moins de 10% de notre revenu.

Ni la faim, ni la fin de la faim ne sont porteurs pour les cerveaux.

La faim de la fin pas tellement davantage, me semble-t-il.

On n'est pas sortis de l’auberge, comme dirait l’autre.

Libellés :


"Je vous répondrai qu'un romancier n'est pas un politicien, qu'un écrivain peut défendre des valeurs menacées pas ses contemporains et qu'il a le droit se se tourner vers l'avenir, et enfin que je refuse de m'incliner devant tout ce qui démontre, ou semble démontrer, l'impossibilité d'être un homme, puisqu'il me faut continuer d'être un homme malgré tout.



Si les hommes de notre temps ne trouvent pas aux problèmes qui déchirent le monde de solutions fraternelles, c'est peut-être une condamnation des hommes de notre temps, ce n'est pas un condamnation de la fraternité."



Romain Gary, L'affaire homme

Libellés :

mercredi, juin 04, 2008

Nous sommes de ceux qui disent non à l'ombre

Peut-être est-ce l’abondance de gris qui les chatouille de toute sa pesanteur, toujours est-il que mes paupières ont cet après-midi une fâcheuse tendance, elles tombent plus que de raison. Et du coup, estompent mon horizon, ben ouais.

Je fais un effort, pas du zèle mais une nécessité, pour m’imprégner de ce long et somptueux hurlement qu’est le « Cahier d’un retour au pays natal » d’Aimé Césaire. Une page, ça passe. Deux pages, ça passe. Trois pages, mon attention trépasse. Enfin, c’est surtout mon regard qui se fait mélasse et les lignes, du coup, s’entassent.

Alors je m’aère un peu, rien de plus efficace que le froid pour agrafer ces petites ailes surmontées de sourcils qui se permettent de m’enquiquiner pendant que je lis. Non mais. Pour qui elles se prennent celles-la ?

Puis je reprends place, l’accordéon qui doit, d’après mon petit doigt, se cacher derrière le rideau, se fait toujours entendre, mes pieds peuvent benoîtement s’étendre. Ma lecture reprendre.

« Et voici soudain que force et vie m’assaillent comme un taureau et l’onde de vie circonvient la papille du morne, et voilà toutes les veines et veinules qui s’affairent au sang neuf et l’énorme poumon des cyclones qui respire et le feu thésaurisé des volcans et le gigantesque pouls sismique qui bat maintenant la mesure d’un corps vivant en mon ferme embrasement. »

Je vous avais prévenu, faut s’accrocher, il commence par un bon petit plat de la main derrière la tête, faut que ça claque, puis, entre amis, un bon coup de boule pour retravailler ce nez un peu trop droit.

Vous en redemandez ? Pas de problème, on doit bien encore avoir une pelletée de pieds aux culs qui traîne dans les parages.

« […]

écoutez chien blanc du nord, serpent noir du midi

qui achevez le ceinturon du ciel

il y a encore une mer à traverser

oh encore une mer à traverser

pour que j’invente mes poumons

pour que le prince se taise

pour que la reine me baise

encore un vieillard à assassiner

un fou à délivrer

pour que mon âme luise aboie luise

aboie aboie aboie

et que hulule la chouette mon bel ange curieux.

La maître des rires ?

Le maître du silence formidable ?

Le maître de l’espoir et du désespoir ?

Le maître de la paresse ? Le maître des danses ?

C’est moi ! »

lundi, juin 02, 2008

Et alors


"Ich gehe am Ende der Welt

Die Welt ist rund

Na und"


Dragica Rajcic


"Je marche au bout du monde

Le monde est rond

Et alors"



Libellés :