katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

jeudi, octobre 30, 2008

L'inachevable


"Quand il eut vingt ans il leva les yeux, regarda vers le ciel, regarda la terre à nouveau, - avec attention. C'était donc vrai! Dieu n'avait fait qu'ébaucher le monde. Il n'y avait laissé que des ruines.





Ruines ce chêne, si beau pourtant. Ruines cette eau, qui vient se briser si doucement sur la rive. Ruines le soleil même. Ruines tous ces signes de la beauté comme le prouvent bien les nuages, plus beaux encore.





Seule la lumière a eu vie pleine peut-être, se dit-il. Et c'est pour cela qu'elle semble simple, et incréée. - Depuis, il n'aime plus, dans l'œuvre des peintres, que les ébauches. Le trait qui se ferme sur soi lui semble trahir la cause de ce dieu qui a préféré l'angoisse de la recherche à la joie de l'œuvre accomplie."





Yves Bonnefoy, La Vie errante

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mercredi, octobre 29, 2008

Ce que le coeur espère






L’aventure a commencé encore plus tôt que nous le pensions. Eh oui, alors que nous devions normalement prendre un train de nuit qui, de Zürich, nous aurait déposé directement à Ljubljana, une petite erreur dans la lecture (ou pas de lecture du tout ) de l’horaire par l’irremplaçable et inénarrable Raphu a rendu cette version simplifiée impossible ; manquement qui nous a donné l’occasion de sillonner l’Autriche jusqu’à Linz (même pas de tourte à la clef…), puis retour jusqu’à Salzbourg (où nous étions passés en milieu de nuit sans pouvoir y poser les pieds), pour un petit café en vitesse, avant de finalement nous « enferrer » en direction de la Slovénie.

Au final, cette demi-journée à sillonner une partie de l’Europe centrale m’a donné l’occasion de penser à ce brave Musil :

« L’humanité produit des bibles et des fusils, la tuberculose et la tuberculine. C’est une démocratie avec roi et noblesse ; elle bâtit des églises et, contre les églises, des universités ; elle transforme des cloîtres en casernes, mais délègue à ces casernes des aumôniers. Bien entendu, elle fournit aux aussi rôdeurs ces matraques garnies de plomb qui leur permettent de maltraiter le corps de leur prochain ; puis elle met à la disposition du corps solitaire et malmené des duvets comme celui-là même qui enveloppait Ulrich et paraissait n’être bourré que de respect et d’égards. C’est la fameuse histoire des contradictions, de l’inconséquence et de l’imperfection de la vie. Histoire qui fait souvent sourire, ou soupirer. »

Et de terminer « La chambre aux échos », troublant roman sur le cerveau écrit par Richard Powers dont j’avais déjà adoré « Le temps où nous chantions. »

Puis, finalement, au moment où l’après-midi s’apprêtait à prendre ses aises, nous sommes arrivés à bonne gare. Petite balade avant de retrouver une de nos deux hôtes sur la « place aux trois ponts ». Comme nous venions de Fribourg, ville des ponts et des tours, je me suis dit que c’était un rendez-vous qui se présentait comme un bon signe.

Et cela s’est confirmé très vite. Ana, au français délicieux (elle est bientôt traductrice), ainsi que sa colocataire Anja, petit condensé de bonne humeur, se sont avérées être deux véritables « human juke box ». Ceux qui connaissent ma propension à chanter tout et n’importe quoi lorsque l’occasion de présente devinent aisément l’épreuve à quoi les oreilles de Raphu ont été soumises. Il a tenu le coup, je rassure ses groupilles.

Nos fous rires se sont étirés jusqu’à Trieste où elles ont eu la gentillesse de nous conduire. Ana nous apprenant au passage qu’elle était venue y servir il y a peu d’interprète pour Boris Pahor. Je connaissais son nom mais n’avait jamais rien lu du lui. J’ai réparé cet égarement hier, dévorant « La porte dorée », réflexion sur deux incarnations du « mal absolu », mélange d’érudition et de romantisme.

Le retour était prévu le samedi soir, avec une petite excursion dominicale à Bâle avant de regagner Fribourg. Nous y avons retrouvé Anaïs et Aurélie avec qui nous avons déambulé d’une place à l’autre pour nous imprégner de l’atmosphère de fête du slip qui régnait dans cette foire d’automne. Des démonstrations pour essuie-tout côtoyaient des stands de Biberli, des bribes d’airs folkloriques tentaient de se faire entendre malgré la musique (vraiment ?!?) qui s’extirpait des carrousels.

Nous voilà à nouveau à Grand-rue. Une semaine pas tout à fait comme les autres puisque, premièrement, Petchal est papa (depuis exactement une semaine et je ne l’ai encore même pas félicité de vive voix), et que, plus trivialement, j’ai osé me risquer à toucher le ballon à nouveau. Encore une petite douleur dans le coup du pied droit, mais quel plaisir malgré tout. Alors que j’ai pu retrouver ma piste de danse préférée, Raphu va commencer le tango, premiers rires prévus demain lors d’une tentative de mise à niveau à domicile.

« On ne peut exclure la danse, sous toutes ses formes, d’une éducation raffinée : savoir danser avec ses pieds, avec les idées, avec les mots. Est-il encore besoin de dire que l’on doit aussi savoir danser avec sa plume – qu’il faut apprendre à écrire ? »

Si Nietsche le dit.

Hier, alors que j’épluchais les journaux qui s’étaient empilés pendant notre absence, je suis redevable à Christophe Gallaz, dans l’éditorial du programme du théâtre de Vidy, d’avoir apaisé l’énervement qui avait grandi en moi quand j’ai appris que le droit des pauvres (la taxe prélevée sur les manifestations culturelles) allait probablement disparaître à Lausanne. Ou quand la notion de « prochain » prend encore une gifle en ces temps où elle aurait plutôt besoin de s’affirmer comme essentielle.

« […]. C’est pourquoi tu descends cette fois-ci jusqu’au bord du lac où se tient le théâtre. Tu n’aimes pas le théâtre en tant que morceau de la culture. Tu ne l’aimes pas en tant que scène, en tant qu’entonnoir à public, en tant qu’élément du mécanisme médiatique, en tant que terrain narcissique généralisé […]. Tu cherches seulement quelqu’un qui parlerait. Qui ferait exploser l’ordre de la ville et celui de ta vie dans cette ville par le seul fait qu’il parlerait, même s’il disait n’importe quoi, et même s’il se contentait d’ouvrir la bouche sans émettre aucun son. […]. Tu es dans la nuit. De cette nuit tu découvres un comédien campé sous la lumière des projecteurs. Il est concentré dans l’effort de dire. Il est concentré, plus précisément, dans l’effort d’accoler tout ce qu’il sait dire à tout ce qu’il ne saura jamais dire. Dans l’effort d’approcher en paroles l’irrémédiable inouï de sa personne, de sa vie, de la mienne et de la vôtre.

Tu n’as plus besoin de chercher. Tu ne trouveras rien d’autre. La seule révolution serait celle-ci : terrasser la parole ne se déployant que pour elle-même, dans l’exercice indigne des pouvoirs qu’elle possède et qu’elle confère, et la faire descendre aux limites de l’imprononçable où se tient l’être. Il en résulterait de la beauté, la seule. Et de la fraternité. […]. »

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mardi, octobre 28, 2008

Une figure dont on ne verrait que le dos



"Couleur du soir soudain comme des vitres (ou des élytres)
seulement ce soir-là en ce lieu-là





mirage silencieux





passage ouvert dans la transparente obscurité
vitrage limpide comme s'il y avait là une lamelle d'eau,
une mince couche d'eau pure
sur tout le paysage, les prairies, les haies, les rochers





comme si une figure dont on ne verrait que le dos
vous invitait gracieusement à entrer
dans la nuit la plus claire jamais rêvée."





Philippe Jaccottet, Ce peu de bruits

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mercredi, octobre 22, 2008

Une histoire de mains

"Il est temps de proclamer vaine toute œuvre qui laisse son auteur intact, et le lecteur à son confort. Vaine et mauvaise toute œuvre qui ne te saisit pas comme une main, qui ne te pousse pas hors de toi-même, dans le scandale ou dans la joie de ta vocation créatrice."



"Le sort du monde n'est pas dans les fatalités. Il est aux mains des seuls penseurs qui refusent pesamment le monde - pour le faire."

Denis de Rougemont, Penser avec les mains

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dimanche, octobre 19, 2008

L'adorable absinthe de l'âme


















« On va au blanc. A la montagne qui porte ce nom et à toutes celles qui ont du blanc ! Et on va à la révélation qu’il y a là-dessous. »

C’est dans « La haute route » de Maurice Chappaz que je suis allé chercher ces lignes. Un livre que comme tant d’autres, hier en milieu d’après-midi, je pensais ne jamais plus pouvoir lire.

Les quatre premières heures de marche avaient défilé à vive allure, le pas était sûr, les marcheurs plutôt en forme. Il avait été question de l’expérience du chat de Schrödinger, de portes dans un train circulant à la vitesse de la lumière, des écrivains ouest africains,...

Tant qu’il y avait du vert et du jaune, c’est comme si le vide n’était pas là.

Je me laissais aller à quelques hurlements qui faisaient frétiller les oreilles de Paulo la Science. Elle était là la vie, je la sentais, je me sentais vibrer jusqu’au bout des orteils.

Puis. Puis.



Puis nous avons compris où était la cabane où nous nous proposions d’aller. Elle caressait le menton des Dents du Midi. Nous nous sommes lancés, Raoul avec une facilité déconcertante, Paul plutôt à l’aise ; enfin jusqu’à ce que je lui fasse part de mes doutes quant au caractère judicieux de notre entreprise. Ma couleur devant osciller entre le violet et le bleu pâle, il a aussi commencé à réaliser où nous étions. Et à prendre en pleine face, comme moi, ces mots de Chappaz :

« Lever les yeux déséquilibre. »

Les baisser aussi, ce qui n'allégeait pas considérablement le problème.


On a continué un bout, on ne voyait plus le troisième larron, chamois qu’il était depuis une trentaine de minutes. Arrivant à une pierre qui permettait de s'asseoir, j’ai dit à Paul qu’un thé allait s’avérer indispensable pour que je rassemble mes esprits. J’étais vraiment, vraiment, vraiment mal (Paul a des photos de ce grand moment, peut-être que je vous les montrerai un jour).

Je lui ai dit que j’allais faire mon impossible pour arriver en haut, mais que je ne pouvais pas envisager de redescendre le lendemain, ce serait vraiment au-dessus de mes forces.

Nous sommes repartis, je n’avais plus de jambes, juste un short (oui j’étais en short, quand on est malin, on est malin jusqu’au bout), mon cœur aurait remporté haut la main tous les concours de Djembe auxquels il aurait pu se présenter. Mes yeux fixaient un cercle fictif d’un petit mètre de diamètre, pour arrêter de penser le plus possible au cadre où nous évoluions.

Raoul, ayant déposé son sac, est venu aux nouvelles, ma tête a épargné pas mal d’explications.

Puis nous sommes finalement arrivés. De la Beauté pure partout. Je reprenais petit à petit mes esprits tout en maintenant que je serais incapable de faire le chemin de la mort en sens inverse.

Nous avons mangé des pâtes et bu du thé en faisant fondre de la neige, j’étais un peu ailleurs, encore retourné par la dernière heure d’ascension.

Nous avons regagné nous couettes avant 21h, n’avons pas tardé à trouver le sommeil.

Ce matin, je me suis levé le premier, je suis sorti contempler ce flacon d’essence de merveilleux qui se déversait de tous côtés. J’ai avancé jusqu’à une extrémité. Un chamois se promenait. Il m’a regardé, m’a dit que je l’avais bien fait rire, hier. Il a ajouté que j’allais réussir, aujourd'hui, que je devais essayer, me prouver que j'en étais capable; que c’était le meilleur vaccin possible contre mon vertige. Soigner le mal par le mal.

C’est lui qui m’a mis Chappaz en tête. Il m’a dit que j’avais oublié une des formules magiques qu’il utilisait dans ses dernières pages : « L’adorable absinthe de l’âme ». C’est avec cela que je devais me griser avant de partir, qu’ensuite je n’avais qu’à chanter ; alors tout se passerait bien.

J’ai suivi ses conseils, Paul et Raoul ont été impeccables, comme toujours.

Maintenant je peux vous écrire, attendant Raphaël avec impatience pour que nous vidions la bouteille de Petite Arvine qui siffle dans le réfrigérateur.

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mardi, octobre 14, 2008

mélange de valse et d'abattoir


"Faut-il prendre l'histoire au sérieux ou y assister en spectateur? Y voir un effort vers un but ou la fête d'une lumière qui s'avive et pâlit sans nécessité ni raison? La réponse dépend de notre degré d'illusion sur l'homme, de notre curiosité à deviner la manière dont se résoudra ce mélange de valse et d'abattoir qui compose et stimule son devenir."

Cioran, Visages de la décadence

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dimanche, octobre 12, 2008

das wehen der stille / le souffle du silence

Un chien aboie, je l’entends vaguement, rattrapé que je suis par tout ce qui refait surface. J’ai laissé la Combaz derrière moi. Leila et maman discutent à une table, j’avais envie de retourner à l’orée de la forêt, dans ce lieu où nous avions peur d’aller, autrefois, certains que des sangliers s’y réfugiaient, qu’ils verraient d’un mauvais œil notre intrusion.

Puis je redescendrai, je retournerai me poser vers elles, nous continuerons de brasser ce temps où nos nuits se fondaient sous le même toit.

Nous rentrerons en faisant le crochet par les Rochats, nous remémorant cette fameuse fois où nous avions effectué le trajet à pied pour rejoindre Mutrux, notre fief d’alors. Leila n’avait pas arrêté de geindre parce qu’elle redoutait de rater le début de « Top Model », ce sitcom lénifiant qui annonçait le début de nos soirées.

Ensuite nous nous plongerons dans le lac de brouillard qui enveloppe le lac, un habit peu hospitalier que la piste de danse de mon enfance connaît bien.

Oui, nous ferons tout ça, mais, pour l’instant, je suis dans le sous-bois. Assis sur un tronc, je vois passer Claude et Raoul avec qui nous étions, sur un coup de tête, montés dormir sous tente. Le lendemain, nous avions rejoint le Chasseron. Du haut de nos 13 ans, notre lubie n’avait pas effrayé nos parents, une confiance qui fait partie des privilèges merveilleux qui ont bercé notre éveil au monde.

Maman se balade également dans le glissement de mes souvenirs, habillée de légèreté, elle cueille des gentianes, me demande si je les trouve belles.

Plus tard, en surplombant le lac depuis Provence, je penserai à toutes les fois où nous remplissions un couffin de victuailles que nous allions manger au bord de l’eau, histoire de reprendre des forces après de longues minutes à nager, maman « en indienne », moi un peu n’importe comment.

Comme j’écris, comme je cuisine, comme j’aime, un peu n’importe comment ; un n’importe comment qui me semble un bon refuge dans notre époque où le mode d’emploi et le cahier des charges sont rois.

Tout ceci passera par ma tête de toyet lorsque je serai dans le train, ce sera la mélancolie éparpillée dans la voiture par Françoise Hardy qui m’aura donné envie d’écrire.

Mais là je suis posé dans ce coin maquillé de jaune, de vert et de rouge, je suis accoudé à la fenêtre étroite qui donne sur mes pas, ceux déjà déposés comme ceux bientôt hasardés.

Je crois que je vais rester encore un moment.

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seul mais serein

« Le citoyen d’aujourd’hui se sent comme un spectateur sourd assis au dernier rang : il a beau être conscient qu’il devrait prêter attention aux mystères qui se déroulent là-bas sur la scène, il n’arrive pas à rester éveillé. »

Cette phrase a été écrite en 1925 par Walter Lippmann, un homme à qui on doit notamment l’invention de l’expression « guerre froide ».

1925, soit quatre ans avant le krach boursier de 1929, cette fameuse année noire dont, chaque jour, des spécialistes nous parlent dans les journaux, ceci sans parvenir à s’accorder sur la pertinence de tirer des parallèles entre cet événement et la panique que connaît Wall Street ces derniers jours.

« S’il y a bien un truc que je ne comprends pas », me disait Raphaël mercredi matin, « c’est bien cette crise, t’y piges quelque chose, toi ?!? ».

Je n’ai pu que sourire, répondre que non, je n’appréhende pas la situation mieux que lui, que je sais juste que les prix de mes biscuits préférés, les Blevita (spécialement ceux aux cinq céréales), qui constituent la moitié de mon alimentation hebdomadaire, est relativement stable, et que nous avons toujours de l’eau en abondance qui coule du robinet, ce qui me semble un gage des efforts déployés pas la Confédération.

Le philosophe Slavoj Zizek se demande, dans les colonnes du « Monde » daté de vendredi, s’il n’y a pas un « risque moral » inscrit « dans la structure fondamentale même du capitalisme », dans le fait qu’il est impossible de séparer « Wall Street » (les responsables de la crise) de « Main Street » (les simples emprunteurs qui payent au prix fort), d’autant plus que la solution américaine vient au secours des premiers nommés.

Il fait alors référence à la réponse que Kant proposait à la devise conservatrice : « Ne pensez pas, obéissez ! »,

non pas : « N’obéissez pas, pensez ! »,

mais : « Obéissez, mais pensez. ».

Le plan de sauvetage est un chantage contre quoi notre colère ne peut rien, ajoute-t-il, nous suggérant alors de la transformer « en une ferme résolution de penser, de réfléchir d’une manière réellement radicale, de se demander quelle est cette société que nous sommes en train de quitter qui rend ce genre de chantage possible. »

Et j’ajouterai : « Quel rôle acceptons nous d’y jouer ? », ou, formulé autrement : « Si nous ne pouvons rien, globalement, doit-on, à notre échelle, accepter d’être complices ? »

On peut commencer de manière assez simple en s’interrogeant sur une mascarade qui vient de se tenir dans mon bien aimé canton de Vaud, où la cheffe du département de la formation de la jeunesse a aménagé, dans son agenda surchargé, un déplacement à Yverdon pour féliciter et remercier la gymnasienne, fraîchement élue miss-Suisse, qui met ses études entre parenthèses pour une année, afin de remplir au mieux sa fonction d’ambassadrice d’une suisse multiculturelle.

Elle est en filière « philo-psycho », je me demande, sous sa chaire resplendissante, quels auteurs lui sont chers.

Hier, peut-être pour évacuer ses questions sans réponses, mon brave colocataire avait des envies de grand air, tout d’abord peu motivé, je l’ai pour finir accompagné, à vélo, jusqu’au Lac noir. Au retour, passant devant un arbre isolé, embrasé par l’automne, il m’a dit qu’il aimait cette image, que cela lui semblait être une belle illustration de la possibilité d’être seul mais serein. Oui, oui, Raphaël a parfois des épanchements lyriques surprenants.

Et il touche à un élément qui me rattache à lui et à presque tous les gens dont je suis vraiment proche, une volonté de se retrouver, parfois, dans une solitude choisie ; pour sentir l’existence vibrer dans la contemplation des minutes immobiles.

Il y a, dans cette aptitude, un éloignement naturel des masses et des extrêmes qui dessine une possibilité d’en finir avec l’omniprésence du pouvoir et des jeux d’influence qui me réjouit.

Je ne suis pas encore allé voir le dernier film de Woody Allen, mais j’ai admiré à nouveau quelques passages de « Mar Adentro », film éblouissant, notamment grâce à la prestation de Javier Bardem. J’ai appris ce matin qu’il se rappelle, alors qu’il avait tout juste neuf ans, avoir vu sa maman pleurer de bonheur lorsqu’elle avait appris la mort de Franco. Aux dernières nouvelles, la mienne n’a pas fait de même quand elle a appris que Jörg Haider ne pourra plus nous faire part de ses grandes idées sur l’Autriche de demain. C’est sans doute parce qu’elle n’est pas autrichienne.

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jeudi, octobre 09, 2008

des lois plus élémentaires


L’automne s’est bientôt faufilé partout, avec cette grâce discrète, cette manière si appréciable de ne rien bousculer, de se murmurer du bout des lèvres.

Une délicatesse qui s’imprègne, s’insinue, corps et cœur semblent se parer des couleurs de circonstances, quelques feuilles tombent derrière les yeux et dans le grondement silencieux des ventres.

Tentant de voltiger dans des paysages de plus en plus occupés, je me demande souvent ce qu’il adviendra des saisons lorsque la tumeur motorisée s’étendra encore davantage, que l’ogre virtuel aura pris toute la place, que le démon de la spéculation aura griffé entièrement les visages.

Les mots et les sourires m’aident dans cette tentative un peu désespérée, souvent désespérante, de frotter les regards pour voir combien sont encore prêts à briller, combien, même l’air de rien, résistent à leur manière ; combien s’arrêtent émerveillés devant des nuées d’étourneaux.

Il y a beaucoup d’éclat froid chez ceux que le gris ambiant satisfait, le clignement de leurs paupières tinte comme une pièce trop lourde échappée d’une poche.

Je la ramasse et la fait ricocher sur l’étang étoilé de mes rêveries, elle sautille plusieurs fois, encore certaine de sa force, puis, rattrapée par des lois plus élémentaires, se noie sans comprendre.

Un nouveau Bretton Woods lui permettrait-il de flotter à la surface ?!?

Il me semble que le FMI n’a rien de très féérique, et super Paulson ne ressemble pas vraiment à Merlin l’enchanteur.

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lundi, octobre 06, 2008

désaltère l'espérance


"Le réel quelquefois désaltère l'espérance. C'est pourquoi, contre toute attente, l'espérance survit."


René Char, Les compagnons dans le jardin

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jeudi, octobre 02, 2008

à court de rivages


"Décidément à court de bouteilles ou de rivages, il plaça ses messages dans des peaux de banane, conscient qu'il ne serait jamais lu que par des malchanceux."

Hubert Haddad, Journal d'un animal arbitraire

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