katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

mercredi, juin 17, 2009

La ville me tiraillait de partout, ces jours













Alors voilà, c’est bien plus tard qu’à mon habitude que je vais rejoindre le futon qui m’attend au salon ; prolonger la nuit en traquant les mots ; en concoctant une longue playlist, en mode aléatoire, afin qu’elle soit à même de vous surprendre même quand je ne serai pas là ; en transférant encore quelques photos.


La ville me tiraillait de partout, ces jours.


Lundi, en plein après-midi, après le soleil tapant du matin, une pluie diluvienne a temporairement modifié les plans, ou du moins les déplacements, de beaucoup de personnes ; zizanie rafraîchissante bienvenue, vécue avec quelques camarades d’infortune, sous un abri de fortune.


Une averse pour nettoyer le regard.


Peu de temps après, un ouvrier, qui s’était copieusement fait arroser, chantait, maniant la pioche : « J’habite dans un pays tropical ».


Lisbonne, Lisbonne, Lisbonne.


La ville me tiraillait de partout, ces jours.


Trois adjectifs pour la qualifier, m’a demandé Marta.


Inépuisable, celui que je soupçonnais et que je venais confirmer ; piétonne, ce qui n’a cessé de m’enchanter ; accueillante, oh oui, accueillante.


« Tu as remarqué qu’il n’y a presque pas de montres ? Et que plusieurs des rares grandes horloges, même sur les églises, sont arrêtées ? Cela veut dire beaucoup, je trouve. »


Marta encore ; erasmus en 1999, n’est jamais repartie.


Une histoire, ici, que j’ai souvent, très souvent, entendue.


Pour que quelque chose soit inépuisable, il faut accepter certains aspects chaotiques, il faut préférer la folie aux boîtes à outils ; ainsi de ma tête, ainsi de ma vision de l’amour.


Lisbonne, Lisbonne, Lisbonne.


La ville me tiraillait de partout, ces jours.


Demain, rendez-vous à Cais do Sodré à 16h, voyage en voiture jusqu’à Bordeaux, avec des gens que je ne connais pas ; mais le responsable de ce co-voiturage bienvenu s’appelle … Livre, eh oui ; j’aime bien ce genre de petit signe du destin.


Je sais que je ne pourrai m’empêcher, dans nos conversations à venir, de mettre son nom au pluriel ; j’espère que les autres passagers en feront autant.


Ensuite j’irai essayer de mettre un peu de joie dans les yeux de ma maman, au bord de la mer ; dimanche, je rencontrerai enfin Akiko, je me réjouis de passer un peu de temps avec celle dont l’écriture, croisée grâce à Joe Bousquet, m’a ébloui instantanément.


Lundi, l’aventure à pied commencera ; il devrait y avoir Albi, Périgueux, Tulle,…


La vie me tiraille de partout, toujours.


Je vous embrasse et, à défaut de vous dire « à de suite », comme Max et son merveilleux accent toulousain, je vous dis « au plaisir », avec mon accent de quand je raconte le lancer de la tomme au cumin, là je suis sûr de ne pas me tromper.



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jeudi, juin 11, 2009

cette lumière, toujours cette lumière











Et voilà, j’ai passé ma dernière nuit dans ma chambrette lisboète ; enfin pas tout à fait, j’ai plutôt profité du petit « terraço » pour un ultime dodo estampillé label étoiles.


Tout à l’heure, j’irai boire un café et saluer la vingtaine de pigeons qui m’ont offert une chorégraphie chaque matin ; j’ai appris qu’ils sont élevés par un vieux monsieur qui a gagné plusieurs titres prestigieux un peu partout en Europe.


Je ne sais pas si c’est son fait ou celui d’un petit malin, mais un des oiseaux en question a un dessous d’aile « sprayé » en vert, l’autre en rouge ; détail cocasse.


Hier, ils volaient au rythme de Vivaldi, qu’un voisin écoutait très fort, fenêtres ouvertes ; moment majestueux.


L’après-midi, hier encore (j’avais vingt ans, je gaspillais le temps en croyant l’arrêter, et pour le retenir même le devancer,… ah non, là je m’égare…), avec Max et Marta, déambulations pédestres dans Lisbonne qui était, nous nous le sommes répétés plusieurs fois, particulièrement à son avantage ; des préparatifs festifs un peu partout, du coup de fort bonnes odeurs, des enfants « tout fous », des guirlandes multicolores à foison ; et cette lumière, toujours cette lumière.


Ces prochains jours, j’aurai toujours mon sac de couchage avec moi, histoire de pouvoir improviser mes sommes pendant que mes affaires (bien grand mot pour si peu de choses) prennent leurs aises chez Marta.


Au moment de rejoindre ma couette, j’ai failli me retrouver avec quatre jeux de clefs dans les poches (le mien, un que Marta m’avait remis, Max voulait me filer le sien, et Julien, que je voyais pour la première fois, se disait que si ça pouvait m’être utile) ; heureux de connaître de bien belles personnes qui m’offrent confiance et amitié ; sourires.


La semaine prochaine, alors que je m’en irai rejoindre la France, mon ordinateur restera par ici ; pour marcher, il se serait vite avéré d’encombrante et inutile compagnie ; du coup, le blog sera mis entre parenthèses.


De toute façon, l’été, les écrans devraient être décrétés potentiellement nuisibles pour la santé.


Pourquoi uniquement en été ? Pourquoi potentiellement ? Excellentes questions.


En farfouillant dans mon Moleskine, pas « rempli » alors que j’ai commencé à y écrire au printemps 2004 (ce qui indique autant mon peu d’assiduité que le nombre de fois où je l’ai égaré), j’ai redécouvert de petites choses que je me fais un plaisir de partager avec vous, parce que je crois que l’on m’y devine, sans surprises :


« De l’esquisse à l’œuvre, le chemin se fait à genoux. » Vladimir Holan


« La parole n’évolue que dans le jour. Elle est l’oiseau dont l’ombre est l’écriture. » Edmond Jabès


« Les nuits où l’on meurt le mieux sont aussi celles où l’on peut le mieux apprendre à vivre. » Armand Robin


« Le pessimisme est d’humeur, l’optimisme est de volonté » Alain


« Tout nous appartient et nous ne nous appartenons plus. » Annie Le Brun


« Notre mission dans la vie n’est pas de réussir, mais de continuer à échouer sans perdre le moral. » Stevenson


« L’amour, c’est quand on rencontre quelqu’un qui vous donne de vos nouvelles. » André Breton



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dimanche, juin 07, 2009

un ciel orageux qui nous est conté






« Et si tu n’es pas là, qui est cet étranger qui parle avec ta voix ? »


Une petite quinzaine de pages que je cheminais en compagnie d’Alexandre Diego Gary, de la bruine dans les yeux, lorsque s’est dessiné ce vers de Claude Roy.


Saisi à la gorge, comme le double de l’auteur, comme ce double avec quoi il nuage le papier ; pour, pour quoi ? respirer ? vivre, juste vivre, avoir le droit de s’habiller de sa peau, de son nom, enfin.


C’est un ciel orageux qui nous est conté par l’auteur ; auteur « fils de », auteur deux fois « fils de » ; fils de Jean Seberg, fils de Romain Gary.


Excusez du peu.


L’avis de décès devant soi, deux fois, avant ses 18 ans ; devenir fort, comme le lui répétait son père, avec deux parents qui ont décidé de tirer le rideau, rideau déchiré de vies qui avaient déjà été, par moments, défenestrées.


Devenir fort… Papa, t’en as beaucoup des comme ça ?


Qu’est-ce que cela veut dire, devenir fort, lorsque cela provient d’un homme qui n’a eu de cesse de chanter l’importance de la faiblesse, cette force tellement sous-estimée ?


C’est un ciel orageux qui nous est conté, un train fantôme qui fait le grand huit ; mais la narration et l’imagination peuvent sauver, une fois de plus, alors il a lâché la bride de sa plume, revendiquant le droit de poursuivre le bleu à son tour, de ne plus être que l’ombre d’un amour trop grand.


Né d’une valse de personnages, lancé le(s) sien(s) sur le papier pour que la représentation redevienne ce qu’elle est, une brillante façon de jouer avec les mots et les images.


Puis s’éloigner de la scène pour s’autoriser à être quelqu’un en propre, un être à part entière plutôt que l’empreinte de ceux partis, plutôt que l’embrun des vagues d’hier.


Des vagues au ressac magnifique qu’il évoque avec une pudeur et une tendresse lumineuses.


Que ceux qui cherchent du scandaleux ou du croustillant s’adressent ailleurs, dans la fange à quoi ressemblent les chapitres de certaines biographies, au hasard.


Alexandre Diego s’est débarrassé d’une partie de sa douleur, se permettant dès lors le pari de la douceur.


Alexandre Diego a écrit un beau livre, « S. ou l’espérance de vie », des pages, terminées ce matin, qui vibrent sur la face-cœur de mes paupières.



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jeudi, juin 04, 2009

que les histoires s'invitent








Quelques oiseaux esquissaient la ponctuation de la phrase sans fin que le bleu murmurait, une virgule par-ci, un tiret par-là.


Seulement pour la forme puisque, lisant cette prose céleste à haute voix, la respiration prenait ses aises, savait d’instinct où s’affirmer.


Après avoir mangé sur le pouce, comme le propose l’expression, Luca et Maud s’étaient laissés tenter par l’idée d’une sieste ; l’Océan, plusieurs dizaines de mètres plus bas, les avait enjoint d’écouter leur envie.


Déchaussé, je m’étais glissé jusqu’au Sanctuaire de Notre Dame da Pedra Mua, impressionnant édifice dont les fenêtres et les portes de la partie qui permettait d’accueillir les pèlerins ont été emmurées, renforçant l’étrangeté et la force que dégage l’endroit.


J’étais sur le point de rejoindre l’énorme « cour intérieure » par un petit passage qui se trouve derrière l’église lorsque j’ai entendu des coups. Comme un volet qui aurait été mal fermé. Des coups qui se répétaient, à un rythme régulier.


Je cherchais du regard d’où provenait le bruit.


J’écoutais pour tenter de percevoir autre chose, mais rien, juste ce battement répété, et moi.


Je m’aventurais dans l’enceinte.


Face à l’église, levant la tête, j’apercevais alors un bout de bois qui tapait à l’intérieur d’une fenêtre fermée.


Un bout de bois qui, lorsque je le vis, disparu aussitôt.


Le retour du silence, caressé par le vent, semblait guetter ma réaction, sourire en coin.


Debout, seul au milieu de ce lieu défiant le temps, dans ce cadre conçu pour que le pouvoir spirituel prenne le pas sur le temporel, ma peau n’était plus que frissons.


Les frissons d’un être heureux de ne pas tout comprendre ; la chair de poule d’un petit garçon qui, depuis longtemps, aime que les explications résistent et que, dans ce vide, l’imagination s’agite.


Que, dans ce flou, les histoires s’invitent.



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