katchdabratch

S'engouffrer dans le sillon de mots indociles; y façonner des points d'appui, pour soi et quelques autres. Pétrir les silences qui sont une partie du terreau où s'ensemence ce qui nous dispose dans le jour. Les inviter à s'ébrouer. Apparaît alors parfois une ouverture, elle offre au souffle un fragment de miracle: ne plus craindre la douceur.

jeudi, février 28, 2013

ces absents magnifiques








Dans le train, regardant le film muet, parsemé de blanc, proposé par les vitres s'improvisant écran géant, les branches de quelques arbres s'entortillent dans les propos de Gabriella, selon lesquels la vérité qu'elle traque, au niveau de sa voix, la fait s'éloigner chaque fois des registres maîtrisés; la vérité comme un point fuyant, comme un poisson qui vous file des mains et retombe dans l'eau, sempiternellement. La vérité, la pureté, ces absents magnifiques qui dansent nulle part avec l'ombre de Dieu.

"L'autre jour, mon beau-père et son acolyte – je signalerai juste que, dans le cas présent, on pourrait parler d'alcoolyte - sont rentrés complètement cuits, comme d'habitude. C'était l'heure d'aller traire les vaches, du coup l'autre abruti y va, pas très droit. Après un moment, mon peau-père va jeter un oeil histoire de voir comment il s'en sort. V'là t'y pas que ce couillon s'était endormi avec les veaux. Mon beau-père tente de s'y mettre, mais il était pas franchement en état non plus. Alors je suis allé leur sauver la vie, une fois de plus. Magnifiques les gaillards."

Entendu, en me rendant à la bibliothèque, cette affirmation d'un jeune de 16, 17 ans: "Mon passé de geek contribue à ma culture." Ou quand passé et culture se définissent d'une manière qui est presque une injure à ma grand-mère. Pas parce que le sens du référent lui échappe, mais parce que penser est devenu une échappée où les référents s'auto-digèrent en permanence. D'un clique à l'autre, l'accélération néglige la fixation. Le savoir au bout des doigts et des yeux; comme un goût de fusibles brûlés, aussi.

"Non mais alors je suis désolé, mais le fait que Berlusconi couche avec des nénettes de 16 ans, ça n'a rien à voir avec ses responsabilités politiques. D'ailleurs les autres présidents n'ont pas fait mieux que lui. J'ai regardé une émission sur Chirac, ben si tu voyais l'état de sa fille aînée. Ah t'as vu?!? C'est triste, hein?!? Pis le pape, il doit être menacé, autrement il resterait pas au Vatican. Au moins, là-bas, il doit savoir ce qu'il mange, parce qu'après ces histoires de viande de cheval, t'as vu qu'ils ont trouvé du cochon dans des kebabs?!? Ça doit pas leur faire plaisir. Non, j'te dis, on sait plus c'qu'on mange, on sait plus qui sont nos voisins, heureusement que j'ai mon chien. Pis encore, ma fille aimerait le prendre chez elle. Elle pense que ça lui ferait du bien, ça la réconforterait après que le père de son ami s'est suicidé. Ouais, il devait avoir une maladie, ou quelque chose, parce que quelqu'un de sain d'esprit ne ferait jamais un truc pareil. C'est triste, hein?!? C'est la vie."

Ma petite cousine est venue me demander si j'avais senti le tremblement de terre. Euh, non. Elle m'a alors montré, sur son écran (I-pod?!? I-pad?!? I-pid?!? I-pud?!? On tient peut-être là un nouveau moyen d'apprendre les voyelles), un site recensant les degrés de secousse, dans les différents cantons suisses. J'aurais voulu lui répondre que, quand je tends l'oreille à gauche à droite, quand je regarde le monde comme il ne va pas, c'est souvent que l'échelle de Richter s’appuie et tombe contre le pommier qui me sert de tête de linotte; mais cette choupinette est déjà une éponge avec des antennes, elle aurait trop bien compris ce que je voulais dire. Je me suis donc contenté de sourire.

mardi, février 19, 2013